Un héros aux caractères humains et divins : guerrier, civilisateur et vainqueur de la mort

Nous vous proposons de vous arrêter sur plusieurs facettes intéressantes du personnage d’Héraclès : le fait que tout en étant un guerrier féroce, l’expression de la force par excellence, il soit considéré comme un héros civilisateur pour les Grecs et justifie même la colonisation, selon la thèse de Colette Jourdain-Annequin. Mais un autre aspect en fait un personnage particulier : il est à la fois le plus grand héros et un dieu puisqu’il devient immortel. Le paradoxe est que ce sont ses caractéristiques humaines héroïques qui lui permettent de gagner son immortalité en effectuant tous ces exploits. Et bien sûr, toutes ces qualités en font le modèle à imiter pour les Grecs. Il s’agit de la thèse que C. Joudain-Annequin a défendue pour son doctorat et qu’elle a ensuite reprise et approfondie dans d’autres publications. Elle est désormais chercheuse au CRHIPA (Centre de recherche en histoire et histoire de l’art Italie, pays alpins).

Colette Jourdain-Annequin insiste dans cet article en 1982 sur l’aspect civilisateur de Héraclès et sur le fait qu’il soit paradoxalement aussi un guerrier féroce. Il s’agit d’un extrait de l’ouvrage Dialogues d’histoire ancienne, publié en 1982, et intitulé « Héraclès en Occident. Mythe et histoire ». Il se trouve sur le portail de revues en ligne Persée.

Héraclès est un personnage aux multiples facettes : il est à la fois considéré comme un dieu et un héros, un Argien et un Thébain, une brute et un héros civilisateur. Ces caractères sont à la fois humains et sauvages. Il représente le héros par excellence. Parmi ses aventures, Colette Jourdain Annequin s’intéresse particulièrement à celles se passant dans le domaine occidental, notamment à la confrontation que l’on peut faire à leur propos entre le temps historique (celui de la colonisation) et le temps du mythe. Car les légendes ont parfois un fond de vérité historique. Cependant ramener le mythe à l’histoire est très réducteur selon l’auteur. Il faut garder conscience de la distance creusée entre l’évènement et le mythe, tout en sachant que “le discours mythique est aussi le produit de l’histoire” (p.230). Mais il n’est pas nécessairement pour autant le reflet de la réalité. Il faut prendre en compte la dimension symbolique du mythe.

Lors de ses aventures occidentales, Héraclès est confronté à ses derniers exploits terrestres, aux limites du monde habité. Le mythe d’Héraclès justifie l’opposition nature/culture : il existe un Héraclès sauvage, brute, qui combat, et un Héraclès culturel, civilisateur et colonisateur.

Héraclès obtient son immortalité par ses travaux qu’il a entrepris au profit de l’humanité, travaux qui ont répandu sur la terre les bienfaits de la civilisation. C’est en se comportant en héros civilisateur, en étant le modèle de l’homme guerrier vainqueur que les Grecs doivent imiter, qu’il a pu devenir un dieu. Héraclès exerce une domination sur la nature sauvage et inhospitalière pour la rendre utile à l’homme : c’est ainsi qu’il crée la civilisation. De plus, à la fin de ses travaux grecs, Héraclès institue des Jeux Olympiques en l’honneur de son père Zeus. Ainsi on peut constater qu’il ajoute une dimension religieuse à sa mission civilisatrice : il est le fondateur de cultes. En cela, il est à l’origine de fondements de la cité grecque.

Pour résumer, Héraclès est le médiateur entre “une nature “sauvage” fermée à l’homme et une nature “ouverte” pour le plus grand bien de celui-ci, une nature “sauvage” infestée de fauves et une nature “purifiée” donnée à l’agriculture, et une nature “sauvage” inorganisée et une nature organisée en fonction de la vie en société = la Cité” (p.247-248). Il oppose l’ordre de la cité à celui de la sauvage barbarie.

Par ailleurs, c’est aussi l’ennemi des Barbares. Il leur apporte la culture et les colonise, et tue ceux qui lui résistent. Il s’approprie la paternité des rites indigènes.

Héraclès est aussi un personnage qui a vaincu la mort : il s’est rendu aux Enfers, en est sorti triomphant, et aux termes de ses travaux les dieux l’ont accueilli parmi eux. Il est alors devenu un immortel à leur image. Cela traduit une angoisse de la mort très présente chez les Grecs.

Pour finir, ajoutons que l’auteur mentionne que le combat d’Héraclès contre l’hydre de Lerne est représenté sur une céramique dès le XIe siècle (p.244).

Quelques années plus tard, en 1989, Colette Jourdain-Annequin reprend le double aspect brute/héros civilisateur que nous venons d’étudier. Mais elle insiste davantage sur le fait que les aventures d’Héraclès lui permettent d’acquérir l’immortalité. Devenant un dieu, il incarne ainsi le but ultime, et inaccessible, auquel rêvent les Grecs. Louise Bruit écrit ici un compte-rendu de l’ouvrage de Colette Jourdain-Annequin Héraclès aux portes du soir. Mythe et histoire. Ce compte-rendu a été écrit en 1992 et provient du volume 47 des Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. Il provient lui aussi du site Persée. Louise Bruit est professeur d’histoire grecque et a longtemps enseigné à l’Université de Paris VII-Denis Diderot.

L’ouvrage de Colette Jourdain-Annequin nous présente encore les deux aspects principaux de ce héros, selon elle. Héraclès permet de s’approprier le monde connu en le découvrant et le parcourant lors de ses travaux : ainsi il le conquiert. Mais il se trouve également au cœur de la cité grecque par les cultes qui lui y sont rendus. On insiste là aussi sur le rôle de médiateur d’Héraclès.

L. Bruit explique que C. Jourdain-Annequin appuie principalement son développement sur les deux derniers travaux d’Héraclès : l’enlèvement des bœufs de Géryon et la quête des pommes des Hespérides, car ils amènent notre héros aux confins du monde occidental connu à cette époque. L’auteur veut exploiter ces épisodes pour éclairer la figure mythique du héros. Mais elle ne cherche pas à interpréter les mythes à travers l’histoire. Elle souhaite rendre compte des nombreuses significations que peut avoir le mythe d’Héraclès, tout autant psychanalytique, que symboliste ou encore fonctionnaliste. Par ces deux travaux en particulier, Héraclès parcourt le monde antique, se dirigeant vers l’Ouest et devenant l’archétype du colonisateur, justifiant ainsi l’entreprise coloniale des Grecs.

C. Jourdain-Annequin développe aussi dans son livre l’idée que les travaux occidentaux d’Héraclès peuvent se comprendre comme un voyage initiatique vers l’Au-delà. Elle souligne tout particulièrement que Héraclès est un « héros destiné à explorer toutes les vicissitudes et de la condition humaine, jusqu’à l’esclavage et à la folie, avant de devenir dieu » (p.111). Ainsi il traverse la ligne qui sépare les hommes des dieux et gagne l’immortalité. Il est l’image de ce à quoi aspirent les Grecs.

Héraclès : un héros culturel

Nous allons ici nous intéresser à tous les mythes et fonctions qui ont été attribués à Héraclès à l’époque archaïque. L’article « Héraclès, D’une rive à l’autre de la Méditerranée. Bilan et perspectives » provient de l’ouvrage Héraclès, héros et dieu (Mythe et histoire) qui est issu d’un colloque qui a eu lieu les 15 et 16 septembre 1989. Il a été écrit par Elisabeth Smadja, professeur spécialisée en histoire antique à l’Université de Franche-Comté et faisant partie du CNRS. Cet article est disponible sur le site de revues en ligne Persée.

Héraclès apparaît comme un mythe à l’origine de la société indo-européenne : il permet l’acquisition des techniques de l’agriculture et de la domestication des animaux. C’est aussi un mythe d’initiation : initiation du guerrier et initiation à la connaissance. Il possède également le rôle d’un médiateur entre la culture et un monde sauvage étranger et démoniaque, tout comme il est le médiateur entre le monde des hommes et l’Au-delà. Nous avons déjà abordé cet aspect dans l’article portant sur l’extrait de Colette Jourdain-Annequin « De l’espace de la cité à l’espace symbolique. Héraclès en Occident ». Toutes ces significations idéologiques que la société grecque archaïque donne à Héraclès montre qu’elle se conçoit comme une culture supérieure aux autres qu’il faut conquérir, à l’image d’Héraclès combattant ses ennemis.

La question se pose alors de savoir si le mythe d’Héraclès trouve son origine au paléolithique ou s’il a été réécrit à l’époque classique, ce qui n’est pas encore résolu.

Héraclès est surtout représenté combattant des animaux, fantastiques ou non, et les capturant : il domine la nature aussi bien que ce qui est mythique. C’est « l’équivalent iconographique d’un discours épique », selon la formule d’Élisabeth Smadja.

Enfin, Héraclès permet aussi de s’approprier les territoires grecs, de se justifier lors de conquêtes : Héraclès est le héros vainqueur, colonisateur et civilisateur. De plus, l’enracinement de son culte sur de nouvelles contrées permet de les dominer en instituant des temples pour le célébrer. Héraclès apporte donc des mythes majeurs à la Grèce archaïque, qui permet de la civiliser.

L’histoire de la céramique chez les civilisations égéennes.

Nous vous proposons de nous intéresser à la céramique et à ses caractéristiques, et plus particulièrement à la céramique attique à figures noire, à travers l’article : L’histoire de la céramique chez les civilisations égéennes, d’Olivier Gabathuler, ingénieur céramiste de l’Ecole Nationale Supérieure de Céramique Industrielle. Son site internet est consacré à la découverte des céramiques industrielles et à ses applications.

Olivier Gabathuler, Formes de vases grecs.

Cet article constitue une approche de la céramique à travers les civilisations égéennes, et en aborde les techniques de fabrication par période (archaïque et attique), puis par style (géométrique, ionien ou orientalisant, figures noires, figures rouges, fond blanc, à plastiques et à décor en relief).

Il mentionne dans une introduction les caractéristiques des arts céramiques selon les régions, tant dans la fabrication de la céramique, que dans les décors, la peinture, et leurs évolutions.

Nous nous attarderons ici sur la période attique et sur les vases à figures noires.

Cette partie nous informe de la constitution des céramiques attiques.

Elles sont formées d’une terre à poterie locale, située aux portes de la ville, fortement constituée de fer qui leur donne leur aspect rouge à la cuisson. Ces céramiques étaient simplement polies.

Il nous est expliqué par la suite les étapes de la constitution des vases à figures noires (qui apparaissent vers 650 av. J.-C.), de leurs décors, avec l’exemple du vase François.

Nous apprenons qu’il y a une évolution de la disposition des scènes sur les vases. En effet elle ne se fera plus en zone mais dans des cadres rectangulaires.

Puis il est évoqué un des artistes les plus actifs du VIème siècle avant J.-C. : Viwtbème, qui inventera la figure rouge.

Et ce passage se termine sur la continuité de la production de la figure noire jusqu’au IVème siècle avant J.-C., sur les amphores panathénaïques données aux vainqueurs des Jeux des Panathénées.

Les significations idéologiques des représentations d’Héraclès

« Art grec archaïque et rapports sociaux : Pour une approche du fonctionnement de l’icône dans la société grecque archaïque » est un article faisant lui-aussi partie de l’ouvrage collectif Dialogues d’histoire ancienne (1982), écrit par Marie-Christine Mailley-von Arx. Il fait une synthèse sur des bas-reliefs des sanctuaires d’Athéna Pronaia et d’Apollon de Delphes et de l’Acropole d’Athènes. Tout d’abord, il aborde plus précisément la perception de l’icône dans la société grecque ainsi que son décodage. L’art intervient dans la vie sociale surtout par le biais de la religion. L’image doit raconter une histoire. Le spectateur peut décoder ces images selon son niveau de connaissances. Pour être accessibles aux peuples, ces images doivent donc être codifiées : les personnages doivent toujours être représentés de la même façon, avec les mêmes attributs, pour être reconnaissables.

L’auteur développe l’exemple d’Héraclès : on le reconnaît facilement dans les représentations grecques archaïques car il porte une peau de lion et tient une massue. Mais pour l’identifier correctement, il faut tout de même connaître ces symboles. La reconnaissance se fait aussi selon la classe sociale du spectateur : les membres de l’élite sont plus cultivés que le démos (= le peuple) et donc reconnaissent plus de choses.

A partir de la page 289, l’auteur explique la signification des reliefs de Delphes et d’Athènes. Et une sous-partie porte sur une étude de cas : un fronton représentant Héraclès et l’hydre provenant des édifices de l’acropole d’Athènes.

Tableau présentant l'importance des représentations d'Héraclès dans l'art grec archaïque

Un tableau (p.291) nous présente la fréquence des représentations d’Héraclès : c’est le deuxième thème le plus représenté sur les reliefs grecs de l’époque archaïque. Cela nous montre l’importance que ce héros a dans la société grecque archaïque.

L’étude du fronton représentant Héraclès et l’hydre de Lerne, à Athènes note la présence d’un bige (char antique) qui marque l’appartenance d’Héraclès à une certaine classe de la société grecque ainsi qu’au monde civilisé.

Pour terminer, l’auteur nous parle du rôle idéologique des reliefs. Les thèmes représentés sont souvent les mêmes, alors que la mythologie grecque est très variée, car  il fallait qu’il y ait une culture commune qui réunisse les cités. Par ailleurs, la symétrie des représentations renvoie à l’ordre et donc à l’ordre en société et dans la cité.
Concernant la signification des scènes représentées, des scènes de combat, comme celui contre l’hydre, le premier niveau d’interprétation est très simple : c’est l’affirmation de la victoire du bien contre le mal. Une interprétation plus poussée y voit une affirmation de la puissance de l’aristocratie : c’est l’expression allégorique des rapports sociaux.


Impact d’Héraclès sur l’établissement de la vie sociale en Grèce

L’auteur, Colette Jourdain-Annequin, nous présente dans cet extrait « De l’espace de la cité à l’espace symbolique. Héraclès en Occident » de son ouvrage Dialogues d’histoire ancienne publié en 1989 une réflexion sur l’espace de la cité dans ses rapports avec l’espace symbolique à travers des études de cas de certains travaux d’Héraclès. L’auteur est chercheuse au CRHIPA (Centre de recherche en histoire et histoire de l’art Italie, pays alpins). Cet article ne traite pas du mythe de l’hydre de Lerne ni même des douze travaux d’Héraclès en général mais cherche à démontrer l’importance qu’a eu Héraclès en Occident pour l’établissement de la vie sociale, de la cité à travers les mythes. Selon l’auteur, le mythe d’Héraclès répond à un besoin de posséder un espace dans lequel l’homme puisse se reconnaître. Héraclès parcourt et relie les lieux mythiques, il leur donne une signification sociale réelle : une dimension symbolique.

Dans une première partie, l’auteur aborde le sujet d’Héraclès à travers le développement que Diodore fait dans le IVème livre de sa Bibliothèque Historique sur les travaux d’Héraclès et en particulier la conquête des bœufs de Géryon. Pour Diodore, l’action d’Héraclès opère en Occident dans un nouveau cadre : l’oicouménè [=la terre habitée]. C’est-à-dire qu’il a fixé les limites du monde connu par les Grecs, un espace qu’ils doivent conquérir contre le Barbare, représenté par exemple par Géryon. Héraclès symbolise le héros civilisateur, le bienfaiteur des Grecs dont il justifie les entreprises coloniales. Avant la colonisation opérée par Héraclès, la nature est une nature sauvage, fermée à l’homme, emplie de fauves et inorganisée socialement, qui va être remaniée par Héraclès en fonction de la vie en société, de la polis.

Dans une deuxième partie, l’auteur aborde les lieux mythiques où se seraient déroulées certaines des aventures d’Héraclès : l’Erythie et le jardin des Hespérides. Cette partie nous intéresse moins. Mais au début, à la page 40, l’hydre de Lerne est évoquée, concernant son ascendance. Elle descend d’Echidna, qui est la fille de Chrysaor, lui-même fils de la Gorgone Méduse et d’Océan, et de Callirhoé, elle aussi fille d’Océan. Géryon est quand à lui le fils de Méduse et de Chrysaor. D’Echidna descendent aussi Orthos le chien de Géryon, Cerbère et le lion de Némée. On voit donc que différents ennemis d’Héraclès qu’il doit affronter lors de ses travaux ont la même ascendance.

Enfin, la troisième partie concerne la transition qui se fait entre l’espace mythique et l’espace « orienté » de la cité. Elle explique le mythe du jardin des Hespérides, lorsque Héraclès doit dérober les pommes d’or au géant Atlas. Ce jardin se situe aux bords du monde, Héraclès atteint donc les limites du monde connu. L’auteur conclut cette partie en donnant une place centrale et fondatrice à Héraclès : Héraclès est une sorte de médiateur entre les hommes et les dieux pour les Grecs, il leur permet de mieux appréhender l’espace dans lequel ils vivent ainsi qu’accepter la question de la mort et de l’au-delà.